Cette consultation qui est l’une des trois consultations annuelles récurrentes est le moment idéal pour un CE, pour échanger avec les organes de décision d’une entreprise sur la stratégie prévue. Encore faut-il que les CE disposent des informations nécessaires et sachent comment les utiliser.
La BDES et l’assistance d’un expert-comptable sont les moyens à leur disposition pour tirer tous les bénéfices de cette consultation.
Un moment clé à ne pas rater pour un CE
La loi Rebsamen du 17 août 2015 a profondément remanié le calendrier des consultations du CE. Elle a en effet, réduit de 17 à 3 le nombre de consultations récurrentes depuis le 1er janvier 2016.
Depuis cette loi le CE est consulté annuellement :
- sur les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art. 2323-10) ;
- sur la situation économique et financière de l’entreprise (C. trav., art. 2323-12) :
- sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. 2323-15).
Aujourd’hui, nous nous intéresserons spécifiquement à la première d’entre elles, celle sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Cette consultation n’a pas été créée par la loi Rebsamen : elle existe depuis juin 2013 et la loi sur la sécurisation de l’emploi.
Toutefois, c’est bien la loi Rebsamen qui l’a réorganisée. Elle regroupe les conséquences de ces orientations stratégiques à la fois, sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim et aux stages. Points essentiels : elle intègre aussi désormais la consultation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (la GPEC), et les orientations de l’entreprise en matière de formation professionnelle.
Cette consultation doit avoir comme support d’informations pour les CE, la BDES (cf. dossier INFOCE sur ce sujet).
Comme celle-ci doit donner des prévisions chiffrées sur les 3 prochaines années, cette consultation va permettre aux CE d’aborder la stratégie prévisionnelle de l’entreprise des 3 prochaines années. Il en est de même pour la GPEC qui est une négociation triennale.
Le législateur n’a pas donné beaucoup de précisions sur le contenu qu’elle devait avoir. C’est le seul des 3 grands blocs de consultation prévus par la loi Rebsamen, qui n’a pas fait l’objet de décret précisant son contenu, les indicateurs à utiliser…
Elle va permettre à ses membres d’échanger avec la Direction sur la stratégie de l’entreprise et d’anticiper les conséquences pour les salariés de celle-ci. Le CE va pouvoir s’exprimer et donner son avis sur la stratégie choisie par les organes de direction de leur entreprise : le conseil d’administration, le conseil de surveillance, et l’assemblée des actionnaires. C’est l’occasion d’un véritable échange entre ces organes et le CE. En effet, à l’occasion de la remise de son avis, le CE peut proposer des orientations alternatives. Cet avis sera transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise qui devra formuler une réponse argumentée et la communiquer au comité. Celui-ci pourra y répondre (C. trav., art. L. 2323-10).
Périmètre de la consultation
Aujourd’hui, organisée au niveau de l’entreprise ou de l’UES (car cette consultation n’est pas prévue pour être déclinée au niveau des établissements), la nouvelle loi ajoute que cette consultation pourra être menée au niveau du groupe sous réserve qu’un accord de groupe prévoie les modalités de transmission de l’avis du comité de groupe aux comités d’entreprise du groupe (qui resteront consultés sur les conséquences des orientations) et à l’organe chargé de l’administration de l’entreprise dominante du groupe (C. trav., art. L. 2323-11).
Toutes les possibilités d’anticiper
Elle permet aussi d’aborder la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Rappelons que chaque entreprise de plus de 300 salariés doit entamer des négociations au moins tous les 3 ans avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise sur ce sujet. La GPEC est fondamentale pour anticiper et prévoir les évolutions de l’entreprise pour limiter les PSE et leurs conséquences en termes de licenciements collectifs.
La consultation sur les orientations stratégiques intègre aussi, assez logiquement, les orientations de l’entreprise sur la formation professionnelle. L’ancien article L. 2323-33 du Code du travail, beaucoup plus étayé, permettait de saisir ce que doit être le contenu de cet aspect de la consultation : « les orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise en fonction des perspectives économiques et de l’évolution de l’emploi, des investissements et des technologies dans l’entreprise ». Le texte rappelait en outre que ces orientations devaient être établies en cohérence avec les grandes orientations sur 3 ans de la formation professionnelle dans l’entreprise prévues par un éventuel accord dit de GPEC et avec l’accord ou le plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il y a donc une certaine cohérence à avoir regroupé ces différents points dans une même consultation.
Un objectif ambitieux
L’objectif de cette réforme était d’améliorer l’efficacité et la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise. Pourtant, on ne peut que constater que le comité sera confronté à une multitude de sujets, dans des délais extrêmement restreints, et sans aucun moyen supplémentaire. En aucun cas ces conditions ne sont propices à l’établissement d’un rapport de force indispensable à un dialogue social de qualité.
On comprend donc aisément l’importance de cette consultation dans le calendrier social pour un CE, afin de donner son avis sur des orientations jusque-là domaine réservé de la Direction, et de pouvoir obtenir des informations sur les conséquences de ces choix pour les salariés.
Grâce à cette consultation, un CE bien informé va pouvoir répondre à des questions pour l’avenir proche, comme :
- Quel avenir prévisible pour l’entreprise ? Développement ou récession ?
- Quel développement choisi par la Direction ? Création de filiales, rachat d’autres entreprises, fusion, cession… ?
- Développement ou réduction des effectifs ? Embauches, ou licenciements, avec ses besoins de reclassements, et donc de formations adaptées ?
L’importance d’avoir les bonnes informations
Mais pour qu’un CE puisse jouer un rôle intéressant pour les salariés dans le cadre de cette consultation, ses membres doivent avoir les bonnes informations. Et ensuite ils doivent comprendre comment les utiliser.
Certes, en théorie, toutes les informations nécessaires devraient se trouver dans la BDES. L’expérience prouve que pour une entreprise sur deux environ, ce n’est pas le cas.
Et ensuite, comment les utiliser pour obtenir les bonnes réponses ?
Beaucoup de CE aujourd’hui ne savent absolument pas comment définir leur rôle dans cette information/consultation. Et encore, quand elle existe, car souvent beaucoup trop de Directions ne la mettent même pas à l’ordre du jour des réunions de CE.
Il est donc très important que les comités d’entreprise ou les CCE insistent fermement pour la mettre à l’ordre du jour d’une réunion plénière. De même, les CE doivent exiger de leur Direction qu’elle mette toutes les informations nécessaires dans leur BDES.
Ensuite, il semble très difficile pour des membres de CE qui ne sont pas spécifiquement formés pour cela, de pouvoir utiliser efficacement toutes ces informations fournies.
La nécessité d’une assistance
Beaucoup trop de CE aujourd’hui ne savent pas comment aborder cette consultation. Et ils ne peuvent donc pas en retirer tous les bénéfices pour les salariés, comme ils le devraient.
Le comité d’entreprise ou le CCE doivent donc se faire aider, se faire accompagner dans l’intérêt des salariés de leur entreprise. Pour cela, un expert-comptable est particulièrement compétent pour assister les CE. Il pourra d’abord demander à une Direction les informations éventuellement manquantes dans une BDES. Il a la légitimité et les moyens pour cela.
Ensuite, il saura expliquer aux membres du CE, les données recueillies pour ensuite savoir les utiliser en réunion, pour poser les bonnes questions.
Dès la première discussion en réunion, de ce point de l’ordre du jour, les élus doivent désigner un expert-comptable, comme la loi le prévoit. Ils doivent procéder par un vote majoritaire des titulaires présents (le président du CE ne vote pas).
En pratique, on peut conseiller aux élus de procéder par 2 votes majoritaires successifs. Le premier permet de décider du principe du recours à un expert-comptable pour cette consultation, et le deuxième, pour choisir et désigner celui-ci.
Le financement de cette expertise sera pris en charge par l’entreprise, avec une participation du comité d’entreprise ou des comités d’établissement composant le comité central d’entreprise (CCE), à la hauteur de 20 % du montant de l’expertise, plafonnée au tiers de son budget annuel de fonctionnement.
L’une des conséquences de cette désignation est que le délai pour émettre un avis pour le CE passe d’un mois à deux mois. Il peut même aller jusqu’à 3 mois si le CHSCT est consulté dans le cadre de cette consultation du CE. En effet, selon les orientations stratégiques prévues par la Direction, et leurs conséquences en termes d’emploi et de conditions de travail, le CHSCT peut être amené à donner son avis.
[Sur les modalités pour un CE de demander une consultation du CHSCT lors de sa consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, contactez-nous]
Après désignation par le CE, à défaut d’un accord plus favorable, entre les membres élus du CE et l’employeur, il est prévu par la loi, un calendrier particulier à respecter pour l’expertise : si les élus demandent à l’expert-comptable, la production d’un rapport, ce rapport est remis au plus tard 15 jours avant l’expiration du délai qu’a le comité d’entreprise pour rendre son avis. L’expert-comptable demande à l’employeur, au plus tard dans les 3 jours qui suivent sa désignation, toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L’employeur doit répondre à cette demande dans les 5 jours.
Étapes de la mission de l’expert-comptable du comité d’entreprise :
En pratique, le comité d’entreprise prend souvent contact avec l’expert-comptable et obtient son accord de principe avant de le désigner officiellement. Une fois la désignation votée en réunion plénière, le comité confirme à l’expert sa nomination et lui précise la mission qu’il entend lui confier ainsi que les points sur lesquels il souhaite avoir des explications complémentaires.
Cette lettre de confirmation est généralement établie et signée par le secrétaire.
L’expert établit, à partir du programme de travail établi par le CE, une lettre de mission qui devrait à minima comporter les éléments suivants :
- les objectifs et les axes de la mission ;
- la nature et l’étendue des investigations ;
- les documents, informations et entretiens demandés ;
- les noms des intervenants ;
- le calendrier des travaux ;
- le montant des honoraires ;
La lettre de mission est adressée au secrétaire ainsi qu’au Président du comité d’entreprise, celui-ci en sa qualité de mandataire social de l’entreprise. Si, en cours de mission, des investigations complémentaires apparaissent nécessaires, un avenant est proposé dans les mêmes conditions ;
L’accord de l’employeur sur la lettre de mission n’est pas requis.
À l’issue de ses travaux, l’expert-comptable établit un rapport écrit. Celui-ci est envoyé au président et au secrétaire du comité. Destiné aux membres de ce dernier, ce rapport doit comporter les explications nécessaires à la compréhension des comptes et de la situation de l’entreprise.
Une réunion préparatoire avec les membres du CE est opportune, conformément à une pratique professionnelle établie. Cette réunion permet notamment d’examiner le rapport de l’expert-comptable, de fournir oralement les explications complémentaires qui s’avèrent nécessaires et de dresser la liste des questions qu’il convient d’aborder en séance plénière.
Enfin, l’expert-comptable ou son représentant participe ensuite à la réunion plénière organisée par le comité d’entreprise au cours de laquelle le rapport est présenté officiellement à l’ensemble des élus. Cette réunion permet à l’expert-comptable de se prononcer sur la question dont il a été saisi.
Son rôle consiste à exposer verbalement le contenu de son rapport, à répondre aux questions qui lui sont posées, et à intervenir dans les débats sur les points techniques qui relèvent de ses compétences.
Sous peine de commettre un délit d’entrave, l’employeur ne peut pas refuser de convoquer l’expert-comptable à la réunion plénière.
Se donner les moyens d’être efficace
En conclusion, on ne saurait trop recommander aux comités d’entreprise et aux CCE d’attacher la plus grande importance à cette consultation dans l’intérêt des salariés, et de se donner tous les moyens d’utiliser toutes les informations recueillies pour émettre un avis pertinent et motivé. Les propositions qu’ils pourront faire à cette occasion seront déterminantes dans la crédibilité que leur Direction leur accordera dans les consultations suivantes. Les 2 moyens que leur a donnés le législateur pour cela, la BDES et l’assistance d’un expert-comptable leur seront indispensables pour arriver à ce résultat.
[sur les modalités de désignation d’un expert-comptable, pour cette consultation ou pour les 2 autres consultations annuelles récurrentes, contactez-nous]