Expert-comptable du CE : droit à l’information renforcé

La cour d’appel de Lyon du 8 janvier 2016 apporte des précisions sur les conditions de consultation et d’information de l’expert-comptable du CE dans le cadre de la mission sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

Expert-comptable du ce : droit à l'information renforcé
Expert-comptable du CE : droit à l'information renforcé

Présentation du cadre de la mission

La consultation du Comité d’Entreprise sur les orientations stratégiques a été instaurée par la Loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 dite de « sécurisation de l’emploi ».

Celle-ci a été confirmée par la loi Rebsamen du 17 aout 2015 qui dispose que chaque année le comité d’entreprise est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stagiaires.

Cette consultation porte sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur les orientations de la formation professionnelle.

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La BDES, source de l’information

Pour accompagner les élus durant l’information/consultation sur les orientations stratégiques, le législateur a organisé les échanges au tour de la Base de données économiques et sociales (BDES) qui est le support de référence (Article L2323-10).

Rappelons que celle-ci doit être mise en place depuis le 14 juin 2015 pour les entreprises de moins de 300 salariés et depuis le 1juin 2014 pour les entreprises d’au moins 300 salariés.

Elle a comme but de regrouper l’ensemble des informations et données économiques et sociales communiquées par l’employeur aux instances représentatives du personnel (IRP). Son objectif est de simplifier et clarifier les échanges entre les individus afin d’améliorer le dialogue social au sein de l’entreprise.

Une absence totale ou une information incomplète ou non conforme de la mise en place de la BDES est constitutive un délit d’entrave.

Pour cela, le Comité d’Entreprise saisit le tribunal de grande instance compétent pour ordonner à l’employeur de respecter ses obligations.

Quel est le contenu de la BDES ?

La BDES doit intégrer un certain nombre d’éléments obligatoires et doit porter sur les 2 années précédentes, l’année en cours et les 3 années suivantes sous forme de perspectives. (décret D. no 2013-1305, 27 déc. 2013)

Ces informations devront être complétées, au plus tard le 31 décembre 2016, par celles transmises de manière récurrente au Comité d’Entreprise.

Le détail des données à communiquer est présenté à la fin de l’article.

Le contenu de la BDES peut être complété par un accord d’entreprise, de branche ou de groupe.

Quelles personnes ont accès à la BDES ?

La BDES doit être accessible en permanence (Article L2323-8) aux :

  • Membres du Comité d’Entreprise ou aux délégués du personnel,
  • membres du comité d’établissement, en cas d’établissements multiples,
  • membres du comité central d’entreprise,
  • membres du CHSCT,
  • délégués syndicaux,
  • membres de la délégation unique du personnel, le cas échéant.

Un décret en attente…

Pour les trois grandes consultations du Comité d’Entreprise instaurées par la loi Rebsamen, un décret qui normalement devait paraitre avant fin décembre 2015 est toujours en attente de parution.

En effet, pour ces consultations, un décret doit préciser le contenu des informations prévues qui peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de trois-cents salariés.

Un accord d’entreprise peut définir les conditions des consultations

Un accord d’entreprise conclu avec les représentants du personnel peut définir :

  • Les modalités des consultations récurrentes du Comité d’Entreprise,
  • la liste et le contenu des informations récurrentes,
  • le nombre de réunions annuelles du comité d’entreprise sans être inférieur à six,
  • les délais dans lesquels les avis du Comité d’Entreprise sont rendus, sans être inférieurs à 15 jours.

Éclairage de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon du 8 janvier 2016 (n° 14/09041) a précisé les informations que peut disposer l’expert-comptable du CE au cours de la mission sur les orientations stratégiques d’un groupe.

Au cours de sa mission sur les orientations stratégiques, l’expert-comptable du CE de la société Keolis-Lyon a demandé les données portant sur l’orientation stratégique du Groupe Keolis.

La réponse de la direction fut négative puisque selon elle le périmètre de la mission était limité à l’entreprise et non au groupe. Ce champ étant circonscrit selon elle par l’article L2323-7-1.

La cour d’appel a cherché à savoir le niveau d’autonomie de l’entreprise par rapport au groupe notamment en ce qui concerne les décisions portant sur la stratégie de l’entreprise. Dans les faits, elle constate que l’entreprise n’avait pas de réelle autonomie, les choix stratégiques étaient déterminés par le groupe.

De plus, la cour d’appel confirme que l’expert-comptable du CE dispose des mêmes pouvoirs que le commissaire aux comptes selon les dispositions de l’article L. 2325-37 du Code du travail. Dans ce contexte, il lui est manifestement indispensable pour comprendre les orientations stratégiques de l’entreprise d’accéder aux éléments d’orientation stratégique du groupe auquel appartient la société.

Par ailleurs, la cour d’appel a souligné que l’information communiquée au Comité d’Entreprise doit être de qualité :

  • Une note d’information uniquement descriptive ne suffit pas, il faut des informations précises sur les moyens de parvenir aux objectifs ou l’impact sur l’emploi : métier, compétences, organisation du travail afin de mesurer l’importance de la stratégie mise en place.
  • La BDES doit comporter des données prévisionnelles sur les 3 prochaines années.
  • En cas d’absence de données chiffrées, l’employeur doit justifier, argumenter cette carence afin de respecter l’esprit de la loi.

Comment nominer l’expert-comptable du Comité d’Entreprise ?

La nomination de l’expert-comptable peut être faite en séance ordinaire ou extraordinaire. Elle doit suivre un certain formalisme, une procédure en deux étapes :

  • 1re étape : inscription à l’ordre du jour du Comité d’Entreprise,
  • 2de étape : au cours de la séance plénière deux motions seront à voter :
  • 1re motion : conformément à l’article 2325-35 du Code du travail, le Comité d’Entreprise décide de se faire assister par un expert-comptable pour l’examen des orientations stratégiques de l’exercice N.
  • 2de motion : pour effectuer la mission d’examen des orientations stratégiques de l’entreprise de l’exercice N, le Comité d’Entreprise choisit de désigner le Cabinet A.C.E.E dans le cadre de cette mission, l’expert-comptable du CE abordera les points suivants.
  • Chacun des votes doit obtenir la majorité des voix.

Une copie du procès-verbal de la réunion désignant le cabinet d’expert-comptable devra être communiquée à celui-ci

Qui rémunère l’expert-comptable ?

La BDES est souvent complexe à analyser. Elle présente un grand nombre de données. Les experts-comptables forment une assistance et un appui pour accompagner le CE dans la compréhension des données la formulation de questions et l’analyse des orientations stratégiques.

Sauf accord avec la direction, la nomination d’un expert-comptable permet de prolonger d’un mois le délai d’information-consultation, passant ainsi d’un mois à deux mois.

Le cout de ce recours est supporté à 80 % par la Direction et à 20 % sur le budget de fonctionnement du CE sauf en cas d’accord plus favorable. À noter que le montant supporté par le comité ne pourra dépasser un tiers de son budget annuel de fonctionnement.

Détail des informations présentées dans la BDES

  • Présentation financière et économique de la situation de l’entreprise : chiffre d’affaires, valeur ajoutée, résultat d’exploitation, résultat net…
  • Investissement social : évolutions des effectifs par type de contrat (et par âge, par ancienneté, dans les entreprises de plus de 300 salariés), des emplois par catégorie professionnelle, de l’emploi des personnes handicapées, du nombre de stagiaires, formation professionnelle (investissements en formation, publics concernés) et conditions de travail (durée du travail dont travail à temps partiel et aménagement du temps de travail), et, dans les entreprises de plus de 300 salariés, exposition aux risques et aux facteurs de pénibilité, accidents du travail, maladies professionnelles, absentéisme, dépenses en matière de sécurité,
  • investissement matériel et immatériel : évolution des actifs nets d’amortissement et de dépréciations éventuelles (immobilisations), et, dans les entreprises de plus de 300 salariés, dépenses de recherche et développement, s’il y a lieu,
  • Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise (obligation effective depuis le 1er janvier 2016) : diagnostic et analyse de la situation respective des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise,
  • Fonds propres et endettement : capitaux propres de l’entreprise, emprunts et dettes financières dont échéances et charges financières, impôts et taxes,
  • Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants : évolution des rémunérations salariales (frais de personnel y compris cotisations sociales, évolutions salariales par catégorie et par sexe, salaire de base minimum, salaire moyen ou médian, par sexe et par catégorie professionnelle), épargne salariale : intéressement, participation dans les sociétés anonymes, montant global des rémunérations versées aux 5 personnes les mieux rémunérées dans les entreprises jusqu’à 200 salariés, ou les 10 personnes les mieux rémunérées au-delà de 200 salariés, dans les entreprises de plus de 300 salariés, rémunérations accessoires : primes par sexe et par catégorie professionnelle, avantages en nature, régimes de prévoyance et de retraite complémentaire,
  • Activités sociales et culturelles : montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du Comité d’Entreprise, mécénat,
  • Rémunération des financeurs : actionnaires (revenus distribués) et actionnariat salarié (montant des actions détenues dans le cadre de l’épargne salariale, part dans le capital, dividendes reçus),
  • Flux financiers à destination de l’entreprise : aides publiques, exonérations et réductions de cotisations sociales, crédits d’impôt, mécénat,
  • Sous-traitance utilisée ou réalisée par l’entreprise,
  • Transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe, le cas échéant : transferts de capitaux, cessions, fusions, et acquisitions réalisées.
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