Rencontre sur la réforme du code du travail avec Sylvie LIZIARD – UNSA

Entretien avec madame Sylvie Liziard, secrétaire nationale à l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes).

La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a posé les grands principes de sa réforme du code du travail le mercredi 4 novembre 2015, issue du rapport Combrexelle du 9 septembre 2015.

Lors de sa conférence du 19 octobre 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, avait déclaré que le droit du travail est devenu « trop complexe et illisible ». Il propose donc de donner plus de souplesses aux partenaires sociaux en privilégiant la négociation dans les entreprises et les branches.

La question a été posée à la secrétaire nationale en charge de : l’égalité professionnelle, des Institutions Représentatives du Personnels, du développement durable à l’UNSA, Sylvie Liziard.

Quel est votre avis sur la réforme du code du travail prévue par le gouvernement dont l’objectif est de rendre celui-ci « plus lisible » et de renforcer la culture du dialogue social en entreprise ?

Nous notons une volonté du gouvernement, influencé par le lobbying des employeurs, de diminuer la représentation des syndicats au sein des entreprises. Le dernier exemple en date, est les propos tenus par la ministre El Khomri le 26 janvier 2016 sur la possibilité de signer des accords d’entreprise par des référendums auprès des salariés en cas d’opposition des syndicats majoritaires.

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Quels sont, selon vous, les défauts du code du travail actuel ?

L’épaisseur du Code du Travail pourrait être critiquée, mais elle permet de répondre aux questions qui sont posées en cas de conflit entre l’employeur et le salarié. Il est le résultat de nombreuses années de jurisprudences. Il mérite, éventuellement d’être « toiletté », certains articles sont peut-être obsolètes, non applicables et n’ont plus lieu d’être.

Cette réforme répond-elle à ces défauts ?

Le rapport Badinter sur les grands principes fondamentaux du code du travail présenté le 25 janvier 2016 est la suite de son livre coécrit avec Antoine Lyon-Caen intitulé « le travail et la Loi » Les politiques voudraient nous faire croire que le volume du code du travail pourrait faire diminuer le chômage, je ne suis pas convaincue.

Pour répondre à cette problématique, il faut surtout que le carnet de commandes des entreprises augmente. Nous constatons que celles-ci n’embauchent de salariés plus depuis 10 ans. Par contre, au cours de cette même période, le gouvernement a mis en place différentes mesures dont les résultats n’ont pas été positifs sur les embauches.

Nous entendons de plus en plus le patronat se plaindre des 35 heures et s’explique par la fin du versement de subventions liées aux 35 heures. En l’absence de ces aides, ils veulent revenir sur cette loi. Ainsi, le lobbying des employeurs et du MEDEF porte actuellement sur les 35 heures. Les subventions reçues n’ont pas pour autant entrainé de hausses des salaires. De plus, la Loi Aubry 2 avait déjà permis d’assouplir certaines conditions sur le temps de travail.

Le problème est plus grave, les propositions faites actuellement nous montrent qu’ils sont en train de déconstruire notre socle social dont l’élaboration a pris plus d’un siècle. Pour les gouvernements, cette réforme est l’occasion de supprimer des contraintes qu’apporte le code du travail.

Les accords d’entreprise vont-ils prendre plus d’importance ?

Les accords d’entreprise vont prendre plus de place malheureusement. L’UNSA est favorable à la hiérarchie des normes. Certaines thématiques ne doivent pas faire l’objet d’accords négociés et doivent figurer dans le socle de la loi telle que les rémunérations, le temps de travail et la formation. Notons par exemple qu’au sein des TPE qui représentent tout de même plus de 4,5 millions de travailleurs, très peu d’organisations syndicales sont représentées.

La réduction du nombre de branches de 732 actuellement à une centaine d’ici 10 ans favorise-t-elle la négociation au sein des entreprises ? En effet, les accords de branche seront de plus en plus déconnectés des besoins de l’entreprise.

Nous le savons que quelques branches ne fonctionnent pas et ne se réunissent jamais. Mais, nous pouvons nous inquiéter sur la méthode employée pour aligner les accords de branches. La question se pose et il n’est pas certain que les accords de branches conservés sont les plus favorables.

Cette réforme viendra-t-elle réduire au niveau du code du travail certains avantages sociaux ?

Toute réforme du code du travail et réduction du nombre de branches entraîneront une baisse des avantages sociaux. Pour éviter cette situation, il faudrait les renégocier systématiquement.

L’histoire nous a montré que rares sont les fusions qui ont été faites au mieux-disant. De plus, nous pouvons remarquer que les dernières mesures pour réduire le chômage n’ont pas donné de résultat : le CICE et le pacte de responsabilité devaient inciter les entreprises à embaucher.

La mise en place d’un salaire minimum avait pour but d’empêcher la concurrence entre entreprises franco-françaises par le nivellement vers le bas des rémunérations. La libération du système économique notamment avec l’Europe n’intègre pas cette idée. La main d’œuvre française est en concurrence avec des pays dont la fiscalité et les charges sociales sont moins fortes. En contrepartie, la protection sociale est inexistante à l’image des pays anglo-saxons dont les retraites sont financées sous forme de fonds de pension. Aujourd’hui, le marché dicte ses lois.

Quel est votre sentiment sur les dernières réformes sur le dialogue social ?

De la simplification des obligations de consultation du comité d’entreprise qui s’organise autour de trois réunions : orientations stratégiques de l’entreprise, situation économique et financière, et la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi contre 17 obligations annuelles d’informations-consultations auparavant

Sur le principe du regroupement des consultations, l’UNSA n’était pas contre à partir du moment que le nombre de consultations c’est-à-dire les thématiques abordées n’était pas diminué.

Il demeure important que la formation et le recours aux experts soient bien sollicités.

De l’augmentation du seuil de 199 à 299 effectifs pour mettre en place une DUP (regroupement des DP, CE et CHSCT).

Nous nous interrogeons sur l’efficacité de fonctionnement d’une telle instance : les élus s’inquiètent de pouvoir traiter autant de problématiques différentes et de disposer de toutes les compétences nécessaires pour répondre à leurs missions.

Nous n’étions pas favorables. Initialement, le nombre d’élus et d’heures de délégations ne devait pas baisser, mais selon les derniers projets de décret, il y aurait une baisse des heures allouées.

Les organisations syndicales en particulier l’UNSA se sont déjà battues pour conserver la place des suppléants dans les réunions plénières. Le gouvernement voulait initialement que les suppléants n’assistent pas à celles-ci uniquement en cas de remplacement.

De l’instauration d’une parité entre les femmes et les hommes au sein des instances représentatives du personnel ?

Sur le fond de la question, nous sommes favorables à la parité au sein des instances représentatives du personnel. La mise en application de celle-ci pose des difficultés notamment sur la préparation des listes et l’alternance d’un homme et d’une femme sur la liste. La loi ne le prévoyait pas initialement, elle n’était pas une demande des organisations syndicales, mais celle des féministes.

Selon vous quels sont les leviers de négociation qu’ils restent aux salariés malgré un contexte économique difficile ?

De nos jours, le levier principal que les représentants du personnel doivent porter est la Q.V.T : la Qualité de Vie au Travail. Ce thème est de plus en plus important dans notre société, nous observons depuis plusieurs années une dégradation des conditions de travail. De plus, cette approche n’est pas vectrice de coûts financiers supplémentaires que l’employeur devra débourser. Cette démarche est appuyée par la reconnaissance progressive du « burnout ».

Cette question de la qualité de vie au travail est également un problème de valeur. La génération des plus de 50 ans ne se retrouve pas ou plus dans les valeurs de l’entreprise. À titre d’exemple, le secteur de la banque est en mutation : le métier de conseiller est devenu aujourd’hui un métier de commercial avec des objectifs à atteindre laissant ainsi le rôle de conseil de côté. Ce décalage peut générer des souffrances au travail.

Quels sont pour vous les dossiers forts de l’année 2015 et ceux de l’année 2016 ?

Les dossiers forts de l’année 2015 ont été les lois Rebsamen dont on attend encore certains décrets.

Pour 2016, nous sommes dans l’attente de la loi de la ministre El Khomri sur la réforme du code du travail prévue pour le 9 mars. La sortie des décrets est envisagée dans le courant de l’été 2016. Avec l’arrivée de la campagne présidentielle, il n’y aura pas d’autres annonces de cette importance, ainsi la Loi Macron 2, ça ne devrait pas sortir.

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