La question posée concerne le cas de l’expertise CHSCT lorsqu’un risque grave est constaté dans une entreprise utilisatrice, au sein de laquelle sont mis à disposition des travailleurs temporaires. Quel CHSCT est compétent pour désigner un expert, dans le cadre de l’expertise pour risque grave prévue par l’article L. 4614-12 du Code du travail ? L’entreprise de travail temporaire qui met à disposition les salariés ou l’entreprise utilisatrice qui les fait travailler ?
En l’espèce Manpower France, partant du principe que le CHSCT de l’entreprise temporaire était fondé à demander une expertise au sein de l’entreprise utilisatrice, soumet une QPC dans les termes suivants : « les dispositions de l’article L. 4614-12 du Code du travail, dans la mesure où elles autorisent le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire à faire appel à un expert agréé lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement d’une entreprise utilisatrice où des travailleurs temporaires sont mis à disposition et ainsi à diligenter une expertise dans une entreprise utilisatrice, méconnaissent (…) » divers grands principes constitutionnels, et notamment le principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail.
L’article L. 4612-1 du Code du travail prévoit que le CHSCT contribue à la prévention et à la protection de la santé et de la sécurité de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure. Il est acquis que cela vise également les travailleurs temporaires. Cependant, rien n’est prévu quant à l’initiative d’une expertise pour risque grave.
QPC rejetée car non sérieuse
Quelques pistes ont déjà été données par la jurisprudence quant au partage des compétences entre le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, à l’égard des salariés mis à disposition, mais la jurisprudence n’a pas non plus tranché cette question.
Ainsi, la Cour a déjà jugé que le fait qu’un salarié d’une société ait été mis à disposition d’une autre société n’autorise pas les membres du CHSCT de la société d’origine à se rendre sur le site de la société utilisatrice, dès lors que seul le CHSCT de cette dernière avait pour mission de contribuer à la protection de l’hygiène et de la sécurité des salariés mis à sa disposition par une entreprise extérieure (Cass. crim., 17 janv. 1995, n° 94-80.192). Ce principe, qui tend à considérer que c’est le CHSCT de l’entreprise utilisatrice qui se trouve en mesure d’intervenir auprès des salariés mis à disposition puisque ses membres se trouvent sur les lieux de travail, avait déjà été évoqué par une réponse ministérielle (Rép. min. n° 22650 : JOAN Q, 7 déc. 1987, p. 6620).
La Cour de cassation, qui agit ici comme un « filtre » pour les QPC afin de décider si ces dernières sont suffisamment sérieuses et nouvelles pour mériter d’être transmises au Conseil constitutionnel, refuse de transmettre celle-ci. Selon elle, la question n’est ni nouvelle ni sérieuse.
La Cour, sans même faire référence aux principes mentionnés ci-dessus, considère en effet que la question ne présente pas un caractère sérieux, car il n’existe pas, en la matière, une interprétation jurisprudentielle constante autorisant le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire à diligenter une expertise pour risque grave au sein d’une entreprise utilisatrice. Il n’y a donc pas de base juridique solide à la contestation, et donc pas lieu de transmettre la question au Conseil constitutionnel.