S’introduire dans la messagerie professionnelle d’un collègue, en vue de lire des messages identifiés par ce dernier comme personnels, justifie un licenciement. Le salarié fautif ne peut pas se retrancher derrière le fait que l’intrusion dans la boîte mail s’est déroulée en dehors du temps et du lieu de travail (CE, 10 juillet 2019, n° 408644).
La question du contrôle par l’employeur du contenu de la messagerie électronique professionnelle de ses salariés a fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Les juges se sont attelés ces dernières années à concilier le possible intérêt légitime de l’entreprise d’accéder au contenu de la messagerie et le respect de l’intimité de la vie privée du salarié, même au temps et au lieu de travail. Mais en tant que salarié, s’introduire dans la messagerie d’un autre collègue peut vite devenir un cas disciplinaire. L’illustration à travers le licenciement d’un représentant du personnel indiscret.
Consultation, hors du cadre du travail, de la messagerie d’une collègue
En 2010, au sein de la mission locale de la Haute-Garonne, un élu du personnel s’est introduit dans la messagerie professionnelle d’une autre salariée de l’entreprise, en vue de lire la correspondance échangée par celle-ci avec le directeur de la mission locale. Le salarié protégé a, en particulier, accédé aux messages qu’elle avait classés dans un dossier expressément identifié comme ayant un caractère personnel. Des poursuites pénales sont engagées à l’initiative de la victime de l’intrusion et l’employeur demande ultérieurement l’autorisation de licencier (notre encadré ci-dessous).
L’administration donne son feu vert au licenciement. L’élu saisit alors le juge administratif et souligne en défense que cette action de consultation litigieuse de la messagerie professionnelle s’est déroulée en dehors du cadre du travail.
L’élu a manqué à son obligation de loyauté
Avant de statuer sur cette affaire, le Conseil d’État énonce la règle suivante : « Un agissement du salarié (protégé) intervenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s’il traduit la méconnaissance par l’intéressé d’une obligation découlant de ce contrat ». Or « le fait pour un salarié d’utiliser les outils informatiques mis à sa disposition par l’employeur pour s’introduire dans la messagerie professionnelle d’un autre salarié sans l’accord de celui-ci et y détourner de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel doit être regardé comme une méconnaissance de l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail, alors même que ces faits seraient commis, en dehors des heures de travail, alors que le salarié n’est pas sur son lieu de travail », décident les magistrats. Le licenciement pour faute est donc définitivement confirmé.